Enluminures, pour clarinette et piano (2001)
15 juin 2015


our clarinette en sib et piano, “Enluminures” marque un tournant dans l’évolution esthétique de mes oeuvres. Pour la première fois j’utilise une temporalité non plus basée sur la pulsation régulière, mais sur des durées qui se dilatent ou se contractent. Cette ductilité temporelle est obtenue par un phrasé en formes de “vagues” de trilles ou de batteries (tremolos) qui s’accélèrent ou ralentissent. Parfois une main du pianiste doit exécuter un accelerando pendant que l’autre exécute un rallentendo. Il en va de même pour les dynamiques (nuances): parfois, une main exécute un crescendo pendant que l’autre diminue le volume sonore. Ces contraintes rendent cette oeuvre très difficile à jouer. D’autre part, las des intervalles très grands et peu “ergonomiques” pour les instrumentistes, comme les octaves augmentées, j’ai restreint ceux-ci au maximum. De même, un désir de couleurs harmoniques originales m’a fait opter pour une utilisation spéciale de modes inventés, lesquels se succèdent par fondus enchaînés. Les zones de flou harmonique se révèlent être les instants les plus intéressants pour l’oreille: l’harmonie n’est plus statique, mais évolutive. Les couleurs ambigües et passagères deviennent la norme de référence. Le choix du titre de cette pièce provient de l’idée qu’à l’instar des enluminures du moyen-âge, le propos (signifié) est parfois moins important que la décoration qui l’entoure (signifiant). Par analogie, au niveau musical, la vitesse d’exécution de certains traits crée un brouillage perceptif, de sorte que l’auditeur n’est pas certain de ce qu’il a entendu au second plan, “aveuglé” par les sons immédiatement identifiables au premier plan. Enluminures fut créée le 5 mars 2002 au festival “Belgian chocolates IV”, au Singel (Conservatoire d’Anvers). Le clarinettiste Emmanuel Suys et le pianiste Jean-Pierre Delens en furent les interprètes. Cette oeuvre est dédiée à Anne-Catherine Billiaux.
Ecouter un extrait d'”Enluminures” (Emmanuel Suys et Jean-Pierre Delens):